Un nouveau départ

Précédemment
Le village de Rhodnain est une petite bourgade florissante pleine de charme, non loin de la ville de Thorsborg. Contrairement aux grandes villes souvent construite autour du forum, ce charmant hameau était organisé autour d’une fontaine originale, agrémentée d’une jolie statue d’un nain recroquevillé et finement taillé. La qualité de l’œuvre était impressionnante et surtout l’auteur était inconnu. Un marchand était tombé dessus il y a de nombreuses années de cela, et les maisons avaient poussées tout autour quelque temps après. On avait construit une petite fontaine autour de la statue, et nombre de riches gens étaient venu s’installer dans le coin. C’était un village où il faisait bon vivre, en vérité.
Au chaud dans sa gangue de roche, Bori s’éveilla doucement et paisiblement. Rien de mieux qu’un long sommeil pour se sentir revigoré, et les nains avaient cette capacité d’hiberner en formant une couche minérale protectrice. Ses rêves avaient été agréables, remplis de pierres précieuses, de grosses haches et de piécettes d’or. Il revivait de temps en temps l’événement terrible qui l’avait poussé au sommeil ; lui, heureux, prêt à prendre le bateau pour partir à l'aventure avec ses nouveaux ami, et puis la désillusion, quand en se réveillant le lendemain ils avaient disparu. Ils l’avaient lâchement abandonné, les sagouins. Sur ces pensées, la pierre se fissura, et Bori, ne pouvant plus s’appuyer sur la roche, pivota en avant. « Plouf », fit la fontaine en accueillant le nain. « Attblblbquoilblblb ? » fit Bori. Se démenant pour ne pas se noyer dans les 30cm d’eau, Bori finit par attraper le rebord et sortit de ce traquenard. La forêt profonde où il s’était endormi s’était transformé en village. Heureusement, c’était la nuit, et guidé par l’odeur de la bonne bière, il se dirigea vers la taverne la plus proche.
-À BOIRE, ce nain a la gorge desséchée !
En jetant un regard sur les occupants du local, il remarqua les habits opulents et les visages étonnés qui le miraient. Un homme frêle et vêtu d’une sorte de tunique en soie étonnamment dotée de poches, probablement le tavernier, lui adressa la parole.
-Messire nain, vous êtes dégoulinant et oserais-je ajouter ma foi fort mal dégrossi, que faites vous ici ? Les gardes vous ont-il laissé passer ?
-Dequoi ? C’est quoi ce coin de bourges ? J’veux de la bibine là, vous allez pas refuser la charité bande de trouducs !
-Hum, nous n’oserions. Eh bien assoyez vous, je vais voir s’il y a un breuvage adapté à votre statut à la cave.
Le tavernier s’éclipsa, et le silence se renforça. Laissant dans son sillage une traînée liquide, Bori s’approcha d’une table, un sourire immense sur le visage, se saisit d’une choppe et parti à toutes jambes.
Calé contre un arbre, la choppe volée entre les jambes, il se permit une seconde de réflexion, ce qui était déjà beaucoup pour un nain.
-J’ai dû dormir une chiée moi.
Sur cette réflexion, et après une courte sieste (parce que dix ans de sommeil n’est pas suffisant), il se décida à trouver quelques vêtements plus appropriés, avant de décider de ce qu’il allait faire. Pénétrant sans subtilité dans la maison la plus proche, il vola une tunique et un pantalon, ne put empêcher ses mains de se saisir d’un collier orné d’une pierre précieuse et de son bracelet assorti, et s’en alla marcher dans le village.
Le jour s’était levé, et en arrivant prêt de la fontaine, il remarqua un attroupement de citoyens. Un officiel l’aborda.
-Hela messire nain, êtes vous un voyageur pouvant faire fonction d’aventurier ?
-Tu peux pas causer normal connard ?
-Eh, oui. La statue faisant l’honneur de notre bourg a été dérobée, et nous aimerions trouver le criminel. Pourriez vous nous aider ?
-Euuh, mais ça c’était moi… Enfin je veux dire, ouais carrément, vous me filez des sous si je vous trouve le gars ?
-Bien sûr, mon noble ami. Ce serait justifié !
-Alors ouais j’le fait. Ah et sinon, j’étais passé là il y a un moment, et à coté de la statue il y avait une armure et une hache ouvragée, ça vous dit rien ?
-Oh je crains que je ne puisse vous aider, j’habite ici seulement depuis 2 ans. Allez voir le marchand Hursule, à Thorsborg. C’est l’homme qui a découvert cette statue il y a environ 7 ans.
-7 ans ? Ah ouais quand même. Bah merci grand con, je vais chercher le voleur de statue.
Bori quitta le hameau, prêt à trouver le premier clampin venu pour lui mettre le vol sur le dos.
-Voler une statue, faut pas être con. Ils ont pas vu la poussière et les morceaux dans la fontaine ? Ptet  qu’ils y étaient plus remarque.
Bori était de nouveau sur la route, et dès qu’il aurait son pécule de départ, il se mettrait en quête de ses effets personnels.

Une journée de plus s'annonçait, pas différente des milles autres qui l'ont précédée. Le même quotidien, à la recherche de quelques travaux d'aventuriers, susceptible d'apporter quelques piécettes. J'errais sans but depuis presque 10 ans, petit à petit, je m'étais entouré de quelques compagnons, un barde que j'avais sauvé d'une embuscade gobeline et qui me suivait désormais en chantant mes louanges, un petit orphelin, qui s'était joint à nous et ma foi c'était un habile voleur, et pour finir un vieux prophète, un peu étrange, mais qui n'avait pas cessé de nous suivre depuis 4 ans. Il était convaincu que nous avions une importance capitale pour l'avenir du monde, du moins c'est ce qu'il disait, c'était difficile à croire vu la banalité de notre quotidien, mais qui sait...
En y repensant, il est vrai qu'une dizaine d'année auparavant, j'avais cru que je tenais une quête différente des autres, mais voilà à peine la quête nous eut été confié que mon groupe avait disparu. Je m'étais donc mis en tête de la poursuivre seul mais le vieux mystérieux était alors réapparu pour me dire que mes compagnons étaient indispensables à cette quête, je m'étais alors mis à leur recherche pendant quelques mois, mais c'est comme s’ils s'étaient volatilisés, coïncidence troublante je me rappela que la dernière fois que je les avais vu ce n'était pas très loin d'ici.
Le barde me sortit alors de mes pensées en suggérant qu'on se mette en route. Nous partîmes donc à travers la forêt, moi en tête, le barde me suivant de près en chantonnant une petite chanson de sa composition, sur l'aventure du serpent du lac de l'ombre et nos deux autres compagnons fermant la marche.

Nous étions quatre aventuriers
Sur frêle esquif embarqués
Lorsque grâce à l'arc enchanté
Le serpent fut tué.
Le lendemain
De retour au village
Du glorieux butin
Nous fîmes le partage


Une dizaine de couplets plus tard, le barde fit un pause dans ses chansonnettes, peu après, j’entendis des pas lourd venant dans notre direction. D’après les bruits, il s’agissait d'une personne seule, d'une corpulence assez importante, et portant une armure. Il apparut au détour d’un arbre. Et à ce moment un curieux sentiment m’envahit, je connaissais ce nain…
Après quelques instants d’hésitation, j’étais presque sûr de moi, c’était lui ! C’était le nain que j’avais cherché à l’époque. Le nain de la quête.

Messire Nain ! Où étiez-vous passés toutes ces années ?

Bori devait avoir quitté le village depuis une dizaine de minutes quand une forme élancée se planta devant lui.
-Messire Nain ! Où étiez-vous passés toutes ces années ?
Surpris par l'apparition soudaine de l'individu, qui avait réussi à déjouer l'attention légendaire du nain, Bori ne put que balbutier ces quelques mots "Hein mais que quoi", avant de se reprendre. Déviant son regard de la ceinture de l'elfe, il reconnut finalement la chiure qui l'avait lâchement abandonné il y a toutes ces années. Mais étrangement, l'autre semblait surpris de le revoir, comme si c'était lui qui s'était retrouvé seul. Mais cette réflexion faisant mal au crâne, notre petit ami évacua sa migraine par des mots soigneusement choisis.
-Si c'est pas le grand con, alors tas de champignons de doigts de pieds, qu'est ce qui se passe ? T'as retrouvé tes bourses ? Et l'autre tarlouze, elle est où ?
En effet, Bori venait de remarquer que leur troisième compère n'était pas présent. "Manquerait plus qu'il nous tombe dessus par hasard celui là aussi" pensa Bori, atteint d'une vision prémonitoire.
-On se touche la couille ou bien ? On a pas une quête dans l'fourneau nous ? Le vieux vient de nous la filer, alors on y va là !

Peu décidé à aborder le sujet de leur séparation, Bori se résolut de repartir sur les bases saines d'une amitié naissante, comme la bière et les conversations grivoises, comme si les dix ans écoulés n'avaient jamais existé. C'est cela. Ces dix années n'avaient été qu'un rêve, et la séparation un mauvais cauchemar. Qui aurait pu vouloir se séparer d'un nain aussi raffiné que lui ? Il avait trop picolé et c'est tout. Une quête leur avait été confiée, et ils s'y étaient aussitôt attelés, avec un léger délai.

Dans son esprit, les étapes étaient maintenant claires : d'abord, retrouver ses armes, puis partir pour les contrées du sud, vers la barrière et les créatures étranges. Et si l'autre enflure d'oiseau se retrouvait sur leur passage, ce serait comme s'il n'avait jamais quitté le groupe.

-T'aurais pas vu quelqu'un se balader avec ma hache et mes hachettes de lancer dans le coin, machin ? On a dû me les piquer pendant que je faisais un petit somme, et si on veut aller tataner du grouillot, faut que je les retrouve.